Voila un moment que je n'avais pas pris le temps de faire connaissance avec d'autres francophones vivant au Canada. Pour cette nouvelle Chronique, je vous emène du coté de Dieppe, dans la province du Nouveau-Brunswick. Nous allons y rencontrer un couple de jeunes immigrants français vivant au Canada depuis presque 1 an.
Le Nouveau-Brunswick - source : www.wikipedia.com
Pouvez-vous vous présenter ?
"Martin et Martine", sémillants trentenaires fraîchement immigrés à Moncton, Nouveau-Brunswick. Martin est développeur, Martine est traductrice indépendante et (scoop) l'unique rédactrice du célèbre (?) blog "Les Néo-Brunswickois", où elle raconte nos aventures tragi-comiques en terre canadienne.
Quel a été votre principal défi en arrivant au Canada ?
Nous ne sommes pas des animaux sociaux, loin de là, mais repartir de zéro au niveau social était un défi. Nous nous en sommes finalement bien sortis, même si la plupart de nos fréquentations sont européennes. Le prochain défi : trouver comment arriver à connaître plus de Canadiens pour ne pas se contenter d'un cercle social d'immigrés.
A ce jour, selon vous, quels sont les 4 avantages de vivre au Nouveau-Brunswick ?
- une province bilingue. Le frisson de pouvoir commander son hamburger en anglais, la certitude d'être compris lors des démarches officielles en français,
- le coût de la vie est bas ; le coût de l'immobilier est dérisoire,
- une excellente qualité de vie ; ici personne n'est stressé, on vit au vert, on est proches de la Nature et de l'océan, bref on respire,
- les habitants des provinces maritimes sont réputés pour leur gentillesse et je dois dire que nous n'avons pas eu un mot plus haut que l'autre en presque un an,
phare de la plage Parlee
A ce jour, selon vous, quels sont les 4 inconvénients de vivre au Nouveau-Brunswick ?
- l'isolement. Tout est relatif, évidemment, nous ne sommes pas au Nunavut. Mais les prix des vols et les distances sur la route font qu'on peut se sentir passablement éloignés du monde. Il faut 10 heures de voiture ou 17 heures de train pour aller à Montréal, et le train ne passe que trois fois par semaine !
- la province est une terre d'immigration toute neuve, les gens n'ont pas forcément l'habitude d'être confrontés à des étrangers et si personne ne nous le dit en face, il peut exister une certaine hostilité envers les immigrants,
- qui dit région rurale, dit difficulté pour trouver à bon prix certains produits qui nous sont chers, comme le fromage. J'imagine qu'à Montréal, on trouve de tout, mais ici, le moindre reblochon coûte 40 $,
- et en n°4, euh... le fait d'être pratiquement obligés d'avoir une voiture ? C'est propre à toutes les petites villes nord-américaines et non endémique au NB, mais l'absence de transports en commun est un inconvénient quand on n'a pas l'habitude de rouler tout le temps,
Pourquoi avoir choisi de vivre au Nouveau-Brunswick ?
Moncton est bien souvent un choix de raison, et nous ne faisons pas exception à la règle. Plus que charmante, nous habitons une ville pratique, qui allie emplois, aéroport international et position de carrefour dans la province, entre Halifax, l'Atlantique, la baie de Fundy et les terres.
Le Nouveau-Brunswick est encore peu connu par les candidats à l'immigration, et compte donc moins de Français qu'à Montréal ou Québec, ce qui était un point positif indéniable pour nous.
Soyons aussi honnêtes : il est beaucoup plus simple et rapide d'entrer au Canada par le Nouveau-Brunswick que par le Québec. Cela ne veut pas dire que nous n'aimons pas notre province d'adoption, mais c'est un facteur logistique à prendre en compte.
drapeau Nouveau-Brunswick
Depuis votre installation au Canada, qu'est ce qui vous étonne ou vous surprend le plus ici ?
On ne s'est toujours pas remis de l'omniprésence des drive-in (appelés ici "drive-through"). Tu veux un café, un sandwich, de l'alcool ou des billets de banque sans quitter ton volant ? C'est possible !
Le patriotisme bon enfant des Canadiens, qui affichent leur amour de leur pays par d'innombrables drapeaux. Un spectacle toujours étonnant, voire rafraîchissant, pour qui est habitué à voir le drapeau tricolore uniquement brandi en symbole d'un nationalisme nauséabond.
Les horaires le soir : on a désormais compris que le dîner ("souper" ici) se tenait à 17 heures, mais quelle ne fut pas notre surprise, en plein mois d'août, en pleine région touristique, de trouver porte close après 18 heures dans de nombreux motels et campings... Sans oublier le magasin d'alcool qui ferme à 21 heures le samedi soir ? Nous avons toujours un peu de mal à nous faire à ces horaires, mais ça viendra !
Les animaux partout ! À chaque fois qu'on sort courir, marcher, faire du vélo, on tombe sur des faisans, des rats musqués, des oies sauvages, des ratons laveurs, des cerfs...
La multitude d'activités organisées par les municipalités du Grand Moncton. J'ignore si c'est pareil partout dans le pays, ou si simplement on y est plus sensibles parce qu'on découvre une région d'un œil neuf, mais la quantité de choses à faire, souvent gratuitement, est faramineuse : concerts été comme hiver, patinoire, festivals, traîneau à cheval, mise à disposition de raquettes et ski de fond, chocolat chaud gratuit dans tous les sens...
Parlez-nous de la région où vous vivez actuellement
Nous vivons à Dieppe, la plus grande ville acadienne au monde. Nous sommes en Acadie, une nation dans la nation canadienne, avec son accent, son vocabulaire, son histoire tragique (le grand dérangement et la déportation des Acadiens si vous voulez chercher), bref une région avec une forte identité. Le grand Moncton est globalement bilingue, ce qui augmente encore le dépaysement à nos yeux.
Nous sommes aussi à quelques encablures de l'océan, qui se trouve à 20 km à peine. Pour nous qui venons des montagnes, c'est un émerveillement que d'aller se baigner dans l'océan après le travail ou d'aller faire du canot de mer le week-end !
La région se compose de tourbières, de forêts et est assez vide. Il y a autant d'habitants au NB qu'en Haute-Savoie, pour 17 fois sa surface ! Autant dire qu'on ne se sent pas à l'étroit, et c'est tant mieux.
A quelles occasions utilisez-vous le français ?
À peu près tout le temps sauf dans certains magasins. Et encore : les francophones ont tendance à passer tout de suite au français en nous entendant. Martin travaille à moitié en anglais, mais sinon, nous parlons évidemment français entre nous, et nos amis sont des francophones d'ici et d'ailleurs.
Tintamarre pour la fête de l'Acadie
En quoi consiste votre travail ? Avez-vous eu des difficultés pour faire reconnaitre ce que vous avez appris en France ?
Martin : développeur web. J'ai un titre d'ingénieur qui n'est pas reconnu ici, mais pour l'instant, cela ne m'a pas empêché de trouver deux emplois dans ma branche.
Martine : traductrice indépendante. J'ai pris mes clients européens sous le bras (métaphoriquement) et j'ai recommencé. Rien n'a changé, hormis qu'après 14 heures, je suis tranquille grâce au décalage horaire avec la France : je sais que tous mes clients sont rentrés chez eux !
Pensez-vous que l'immigration a influencé votre caractère ou votre façon de voir les choses ?
Martine : j'avais vécu en Nouvelle-Zélande pendant mes études, vivre à l'étranger ne m'était pas inconnu. C'est d'ailleurs grâce à cette expérience que j'ai pu anticiper quelques difficultés ici (notamment le fait de ne pas trop prendre son temps pour se recréer un tissu social et d'activités). Il est certain qu'il ne s'agit pas de la même expérience, ne serait-ce parce que j'ai dix ans de plus et que nous sommes arrivés au Canada à deux.
Être à l'étranger nous oblige à voir la France d'un œil extérieur, ce qui est fascinant. Être des immigrants nous oblige aussi à prendre du recul sur notre propre point de vue sur l'immigration, ici ou en France.
Pouvez-vous nous recommander 4 ou 5 idées de visites à faire sur Moncton et sa région ?
Dans la baie de Fundy :
- les incontournables rochers Hopewell, à explorer à pied ou en kayak
- le sentier Fundy, qui est en fait un parc privé accessible à pied, en vélo ou en voiture, avec des panoramas magnifiques
Côté Atlantique :
- le parc Kouchibouguac, où on peut faire une jolie journée sportive. Kayak le matin, rando l'après-midi et visite d'un parc à ours le soir : que demander de plus ?
- la dune de Bouctouche, à visiter en été pour s'y baigner
À Moncton même
- le sentier riverain le long de la rivière Chocolat offre une vingtaine de kilomètres de balade à parcourir en vélo
Moncton et la rivière Chocolat
- la place Resurgo est un petit musée interactif parfait pour une après-midi pluvieuse.
Le numéro complémentaire : sur l'Île du Prince Edouard, à 2 heures de Moncton, la capitale Charlottetown est très mignonne et vaut le détour.
Quels endroits du Canada rêvez-vous de visiter, voire même d'habiter ?
Visiter : le Cap-Breton en Nouvelle-Écosse, le Yukon, les Rocheuses, Terre-Neuve, Vancouver, Toronto, Ottawa... PARTOUT ! Martine a déjà prévu de prendre le train entre Toronto et Vancouver dès que possible.
Habiter : se rapprocher de l'axe Toronto-Québec serait peut-être plus pratique. Sinon, Edmonton ou Calgary, pour la proximité avec les montagnes.
Quel regard portez-vous sur la France depuis que vous vivez au Canada ?
Pour nous auto-citer : celui d'une jolie résidence secondaire à dépoussiérer en rentrant.
Qu'est ce qui vous manque le plus de la France ?
Martin : le FROMAGE, le vin, la charcuterie, bref la bouffe.
Martine : les montagnes.
Quelle est votre saison favorite au Canada ?
Faute d'avoir pu vivre l'automne dans toute sa splendeur flamboyante puisque nous sommes arrivés mi octobre dernier, pour l'instant, on dira l'hiver ! Neige + soleil + activités = cocktail gagnant pour profiter à fond de cette saison pourtant redoutée.
balade en raquette après une tempête de neige
Fin
Je remercie très chaleureusement "Martin et Martine" pour avoir participer à cette interview et avoir partagé avec nous le début de leur aventure canadienne ! N'hésitez pas à les suivre sur leur blog personnel : lesneobrunswiquois.com
Et puis, si vous avez aimé cette petite chronique, vous aimerez surement découvrir ou redécouvrir les portraits précédents :
- Le 1er portait, en Alberta,
- L'interview de Célia et Yann, un couple de jeunes français à Montréal,
- Un second portrait de famille en Alberta, sur Edmonton,
- Jérome, immigrant français vivant à Ottawa depuis quelques années,
- Un changement de vie majeur en partant dans le grand-nord québécois,
Vous êtes francophones, non canadien (ou avec la double nationalité) et vous vivez dans l'une des provinces ou territoires du Canada, n'hésitez pas à communiquer avec moi. Ce sera l'occasion de faire découvrir votre province, les challenges que vous avez surmontés ainsi que les différences que vous avez vécues ou que vous vivez au quotidien en lien avec votre immigration.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire